
La douleur est une expérience complexe comprenant des caractéristiques tant sensorielles, qu’émotionnelles, cognitives et motivationnelles. Le traitement de la douleur nécessite une prise en charge plurielle (somatique et psychologique). Le parcours du douloureux chronique est souvent long puisqu’il s’agit d’abord de chercher une origine médicale aux douleurs afin de les traiter. Mais voilà, parfois le patient, scanné de la tête aux pieds, continue de souffrir sans qu’aucune cause médicale ne vienne expliquer ses douleurs. Les douleurs résistent aux différents traitements et le patient subit plusieurs échecs. Le patient douloureux voudrait se débarrasser de ce fléau qui l’inquiète et le ronge de plus en plus. Le patient et sa douleur ne font plus qu’un et le lien entre les deux se solidifie de jour en jour ne laissant plus d’espoir au patient d’aller mieux. C’est ainsi que toute sa vie est tournée vers son monde intérieur où la douleur occupe tout l’espace.
Une douleur est dite « chronique » lorsqu’elle perdure au-delà de six mois. Elle peut être consécutive à la maladie, aux opérations chirurgicales mais elle peut également être l’expression de nos peurs inconscientes. La dépression, les phobies, les angoisses, les peurs… peuvent s’inscrire dans notre corps de manière inconsciente et cela peut se traduire par des douleurs telles que les céphalées, les douleurs dorsales etc.
L’hypnose dans la prise en charge du douloureux chronique
Quelle que soit l’origine des douleurs chez le patient, il convient d’abord d’effectuer un travail d’écoute et d’observation. Il convient d’accueillir sa souffrance et de connaitre l’histoire du patient avant d’utiliser l’hypnose. Bien sûr cela n’est pas suffisant, mais c’est la première étape de l’accompagnement thérapeutique. Un patient douloureux chronique est en transe négative naturellement. Il est tourné vers cette douleur qui monopolise toute son énergie physique et psychologique. La douleur est présente et envahit son quotidien.
La seconde étape va consister à amener le patient à décrire cette douleur. Le patient douloureux va s’intéresser à cette douleur et la décrire. Elle est souvent décrite de cette manière : « J’ai un poignard dans le dos »; « J’ai une boule dans le ventre »; « J’ai une boule dans la gorge »; « J’ai un poids dans la tête » etc. La douleur prend une forme, une couleur, une matière etc. Le patient sait donc décrire de manière imaginaire cette douleur et il s’en décentre par la verbalisation. Outre le fait de la localiser, il devient capable de la décrire de manière précise. Le thérapeute va ensuite utiliser ce mode imaginaire avec le patient en transe hypnotique afin, d’agir sur la douleur, de la réduire voire de supprimer la douleur. L’hypnose, dans le contexte de la douleur chronique, peut être utile pour contrôler le niveau d’intensité de la douleur, pour gérer la douleur et/ou les émotions qui l’accompagnent, afin d’aider le patient à retrouver une qualité de vie acceptable. Toutefois, cette troisième étape peut nécessiter du temps pour respecter le rythme du patient. Ainsi, plusieurs séances peuvent être nécessaires pour traiter et comprendre la douleur. Certains patients veulent prendre leur temps et ne souhaitent pas en être débarrassés trop vite. Et c’est là que la connaissance du patient et de l’histoire de ses douleurs est importante. En effet, pour certains, la douleur fait partie quotidiennement de leur vie. La leur retirer brutalement peut être déstabilisant puisque c’est rompre un équilibre (inconfortable) qui s’était créé avec le temps. Ainsi, retirer trop rapidement une douleur peut venir rompre cet équilibre qui placerait le patient dans un nouvel inconfort physique ou psychologique.
Activer le mode imaginaire chez la patient douloureux, c’est activer ce que chacun sait le mieux faire et permettre l’observation interne la plus précise qui soit. C’est venir au plus proche de ce qui existe dans le monde intérieur. C’est mettre en œuvre des processus qui activent des niveaux de ressources naturelles présentes chez chacun d’entre nous. Ces ressources dites inconscientes qu’Erickson activait et amplifiait avec l’hypnose. Ce sont ces mêmes ressources qui nous permettent de « guérir » de douleurs, de perturbations émotionnelles, de dysfonctionnements organiques. Ces ressources qui semblent plus faciles à activer en transe hypnotique.
Traiter la douleur avec l’hypnose c’est redonner au patient la possibilité d’agir. En état de transe, le patient « apprend » qu’il peut agir sur sa douleur. Par conséquent, il devient capable de remettre en mouvement ce qui lui semblait figé. L’hypnose permet au patient de découvrir et de développer de nouveaux outils personnels de gestion des différentes composantes de la douleur. Le patient souffrant de douleurs chroniques est souvent envahi par celles-ci et rencontre de la difficulté à se décentrer. L’hypnose permet alors d’élargir son champ de vision, en prenant du recul non seulement par rapport aux douleurs mais aussi par rapport à la situation de manière générale. Par ses suggestions pendant la séance d’hypnose, le thérapeute permet au patient de se focaliser sur d’autres éléments que la douleur, de recadrer la situation et de l’amener à découvrir ses propres ressources pour gérer la douleur.
L’hypnothérapie permet d’agir à plusieurs niveaux :
- le niveau sensoriel (intensité par exemple), la gestion de la douleur (diminuer une anticipation négative par exemple),
- le niveau cognitif (faire des liens entre la douleur et des pensées négatives),
- le niveau émotionnel (en lien avec des deuils non faits par exemple),
- et le niveau motivationnel (l’aider à trouver des ressources lui permettant de se mobiliser, de devenir actif dans la prise en charge).
Les outils hypnotiques utilisés pour moduler une douleur sont multiples, tels la distraction, l’imagerie mentale, l’apprentissage de la gestion des émotions, en particulier de l’anxiété et du stress, et de techniques permettant au patient de ne plus rester dans une pensée binaire du tout douloureux ou absence totale de douleur. Toutes ces techniques tendent à permettre au patient de retrouver un contrôle sur la douleur et ses conséquences dans sa vie quotidienne et à retrouver une certaine autonomie. Le patient n’adoptera les suggestions hypnotiques que si elles peuvent s’intégrer dans son système de représentations, d’où l’importance et d’une anamnèse approfondie et du lien thérapeutique.
La pratique de l’hypnose avec les douloureux chroniques nécessite donc de connaitre le patient et son histoire. Elle ne peut se pratiquer sans une connaissance minimale du patient. L’hypnose pratiquée dans ces conditions permettra alors au patient de développer tout son potentiel de guérison et d’action.
Anabela Parente -Psychologue, psychothérapeute et hypnothérapeute à Angers. Tel 07.85.97.85.78